La Boyomaise assure la sécurité alimentaire des Boyomais

Depuis bientôt trois ans, La Boyomaise est de plus en plus consommée en région boyomaise. Cette farine tirée de la variété de manioc Obama est l’un des produits de la Minofacs (Minoterie de la Faculté des Sciences) dans le cadre du projet VLIR – Agricultur durable, qui couvre la région nord-est de la RDC : Kisangani et environs, Bafwasende, 262 km, en Province de la Tshopo, et Nyanya 345 km et dans le territoire de Mambasa, 530 km, en Province de l’Ituri.

 

Jean Fundi Kiparamoto, green journalist + 243 840 491 922 (WhatsApp + Mobile) / + 243 827 048 699 (Mobile) Email journalkaribu@gmail.com

 

« Du fufu (farine en lingala – prononcez foufou), digeste, superfine et aromatique », vantent tous les consommateurs interrogés à Kisangani par Journal Karibu au sujet des qualités de cette nouvelle farine.  Le personnel de l’Université de Kisangani et des Instituts supérieurs comme des particuliers comptent parmi les plus grands consommateurs de La Boyomaise. Depuis près d’un an, cette farine en sac de 10 et 25 kg fait le bonheur des Tambwe. « Prête à consommer, ultrafine, pesant réellement le poids indiqué, cette farine épargne à mon épouse le peine d’acheter du manioc à éplucher, ensuite pour finir entre les mains des meuniers peu recommandables", estime Ernest Tambwe, Chef de travaux à l’ISEA Bengamisa (Institut Supérieur des Sciences Agronomiques), et collaborateur au CSB (Centre de Surveillance de la Biodiversité). D’autres témoignages rapportés semblent aussi favorables. « Nos clients apprécient la saveur, la blancheur et la finesse de la farine ainsi que l’emballage hermétique en sac propre et toujours de même apparence », rapporte le Chef de travaux Jean-Trésor Kwembe, collaborateur à la Minofacs et chercheur dans le projet VLIR Agriculture durable.

En effet, La Boyomaise s’obtient au bout d’un traitement dit chaîne de valeur de manioc, « qui va de la tige à la fourchette», disent les experts. Les carottes de manioc fraîchement récoltées, soigneusement épluchées et transportées en ville sont lavées à l’eau potable pour rendre la suite de l’opération propre, râpées par une machine en menu lamelles puis mises dans des sacs perméables. Les sacs sont trempés dans des touques en plastique remplies d’eau potable. Trois jours après, les sacs sont vidés de l’eau au moyen d’une presse métallique manuelle. Le contenu est séché au soleil sur des bâches propres étendues à même une surface bétonnée pendant 1 à 3 jours, selon le soleil qu’il fait. Puis viennent le broyage, l’emballage et la vente. En revanche, le traitement traditionnel demande très peu de soins et ne s’achève qu’au bout de plus ou moins deux semaines. La méthode appliquée par la Minofacs est tout le contraire du rouissage traditionnel qui se passe en milieu aussi varié que dangereux pour la santé : le ramollissement en étangs, dans des marigots ou des bacs rouillés. Ce qui, « à plusieurs égards, constitue une menace à la sécurité alimentaire des consommateurs », prévient le professeur Didy Onautshu Odimba, Coordonnateur local du projet VLIR – Agriculture durable.

Le rouissage est une fermentation des carottes de manioc largement pratiquée en Afrique centrale (Angola, Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République du Congo, Sao Tomé-et-Principe et le Tchad). Grâce au rouissage amélioré et à la râpeuse électrique et la presse métallique mises au point par IITA (Institut International d’Agriculture Tropicale), la production de farine se trouve améliorée sur deux aspects essentiels : une réduction sensible de la quantité d’amidon et l’élimination des matières toxiques. Ainsi, à partir d’une tonne de manioc Obama (lien), la minoterie parvient-elle à produire par semaine 460 kg de farine contenant presque « zéro % de cyanure, zéro % d’aflatoxine et moins d’amidon », affirme le professeur Didy Onautshu. La Boyomaise est destinée à la préparation du fufu (prononcez foufou), pâte cuite à l’eau bouillante. Le fufu compte parmi les aliments de base dans la région du  nord-est à côté du riz, de la banane plantain et de la farine de maïs.

Champs sans brulis, moins de travail pour gagner plus

La Minofacs s’approvisionne auprès des paysans de la route Buta, au Nord de Kisangani. Parmi ceux-ci, Willy Kamango, quarante ans révolus, marié et père de huit enfants, qui, comme trop peu d’autres avant de se convertir, pratiquait l’agriculture sur brulis depuis l’âge de seize ans. D’autres, par contre, continuent à pratiquer l’agriculture sur brulis dans les environs de Kisangani, à Bafwasende, Nyanya et Mambasa au Nord-est de Kisangani. Kamango a deux champs, l'un de 1,5 ha à 12 km et le second de 2,5 ha à 16 km toujours au Nord de Kisangani où il vit avec sa famille.

« Rien que d’avoir récolté le tiers du premier champ, cela m’a déjà rapporté 800 milles francs congolais. De quoi mieux scolariser mes enfants et mettre un peu d’argent de côté », se réjouit Kamango. D’ici  septembre 2019, il espère récolter en tout produire trente-cinq tonnes et gagner ainsi près de 6 millions 400 mille francs congolais soit près de 4 milles dollars américains. Avant 2015, l’année où il a adopté les nouvelles pratiques culturales, un champ entier de 1,5 ha lui rapportait à peine 500 francs congolais, soit quelques 300 dollars.

Le cultivateur de quarante ans vante les autres avantages que lui procurent les nouvelles pratiques culturales. « Même si le champ sans brulis demande beaucoup de travail au tout début, les champs prochains demandent moins de travail que jamais. En plus, je peux cultiver plusieurs fois au même endroit et pendant plusieurs années ». Et de renchérir, au milieu d’un groupe de paysans, « Un faisceau de manioc Obama porte entre 12 et 18 tubercules contre à peine huit qu’en portent les variétés locales », témoigne-t-il. En outre, sur le second champ la culture du manioc est associée à celle des arachides et des tomates. La vente sur commande lui assure de ne pas voir du manioc mur pourrir à l’air libre ou traîner dans le sol. Chaque lundi et samedi, les citadins viennent acheter en gros les produits de la récolte. Parmi ses clients, la Minoterie de la Faculté des Sciences paie des paysannes pour éplucher le manioc sur place et des jeunes paysans pour le transporter sur la grande route, à huit minutes à pied du champ. Les épluchures abandonnées dans le champ forment de l'humus pour reconstituer la fertilité du sol en attendant la prochaine culture. « L'agriculture sans brulis leur permet de travailler moins pour gagner plus tout en redevenant sédentaire », fait remarquer le professeur Onautshu.

Kamango : « Même si le champ sans brulis demande beaucoup de travail au tout début, les champs prochains demandent moins de travail que jamais ».

Présentée par Jean Fundi K., Sur la Voie du Progrès est un magazine de la Radio Flambeau de l'Orient  En 2015, la farine s'appelait Fufu Becaro.

Actions concertées pour l’agriculture durable

La majorité des familles paysannes en région Nord-est de Kisangani pratique l’agriculture sur brulis. Et le sol s'appauvrissant après la toute première récolte, on préfère le laisser en repos sans le cultiver. « Là même où la terre est bonne, les récoltes sont toujours médiocres. Ce qui nous amène à le laisser le sol en jachère parfois un an sur trois, mais le plus souvent un an sur cinq », s’inquiète un paysan.

Cependant, la vulgarisation des variétés améliorées de manioc par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture), l’IITA (Institut International d’Agriculture Tropicale) et VLIR commencent à bousculer les habitudes. Parmi les variétés adoptées par beaucoup de familles paysannes se trouvent quelques unes dites FAO introduite par la FAO, d’autres, Obama 1 et 2, introduite par l’IITA en collaboration avec l’INERA. Et en 2010 naît le projet VLIR Agriculture durable avec pour objectif de vulgariser de promouvoir l’agriculture durable et la sécurité alimentaire. Et la Caritas Congo est venue s’associer à la vulgarisation.

L’exemple le plus éloquent est celui que rapporte le professeur Didy : « Au tout début, devant les paysans, nous sensibilisions à travers des champs-écoles, c’est-à-dire deux champs étaient cultivés côte à côte, l’un sans brulis et le second avec brulis. Sur le premier nous avons planté la variété de manioc Obama et sur le second, les variétés locales ». Au bout de 8 mois, l’on récoltait dans le premier champ des carottes plus longues et grosses que les carottes des variétés traditionnelles. La récolte des variétés locales devait intervenir après douze mois pour certaines et 14 mois pour d’autres.

L’autre apport vient de l’équipe des chercheurs financée par VLIR – UOS qui travaille à trouver les moyens de combattre les maladies des plantes susceptibles d’affecter les cultures paysannes dont le manioc et la banane plantain. Car, affirme le professeur Onautshu, « il n’y a pas d’agriculture durable sans soins des plantes ». L’aspect santé des plantes reste d’autant plus essentiel que la multiplication et la dissémination des boutures malades peut aboutir à un rendement agricole médiocre.

Dans une région où il pleut neuf mois sur douze sur un sol suffisamment profond et adapté à la culture de plusieurs variétés de maniocs, il ne reste plus qu'à amplifier la sensibilisation et la formation des familles paysannes à des nouvelles pratiques alimentaires et culturales.

Certes, l'adoption des variétés résistantes aux maladies est un acquit. Il n'en reste pas moins que les champs dépendent encore de la main d'œuvre familiale et pour la plupart des cas basés l’agriculture sur brulis.

Cap sur l'industrie durable

Maintenant que plusieurs variétés améliorées de manioc FAO (nom collectif local), Obama 1 et 2 sont adoptées et que La Boyomaise semble préférée des ménages boyomais, le Professeur Onautshu, Coordonnateur local du projet, rêve de production industrielle non seulement de farine de manioc, mais aussi de maïs, de banane plantain et éventuellement de farine à pain. Notamment en produisant le double, voire le triple, de 460 kg la semaine pour alimenter des points de vente sur les marchés de la ville. La Minofacs doit disposer d'un séchoir électrique qui sera installé dans un hangar déjà en cours de réhabilitation et multiplier les moulins à raison d’au moins un pour chaque produit agricole à transformer. Il faut en plus envisager d'améliorer davantage la chaîne de valeur de manioc en songeant au ramollissement à l'aide des micro organismes et au séchage ultrarapide par un séchoir électrique.

Pour ce faire, le projet continuera à acheter du manioc auprès des familles paysannes afin de les encourager à pratiquer l’agriculture durable. Ce sera ainsi les aider à négocier le passage de la culture vivrière vers des entreprises axées sur le marché. C'est-à-dire d'une culture de subsistance à une culture commerciale. Car à présent, l’heure est venue pour le paysan de cultiver le manioc à la fois pour la consommation domestique et comme source de revenu.

Axé sur la banane plantain, le champignon comestible et le manioc, le projet VLIR – Agriculture durable fait partie du programme VLIR – UOS financé par les universités flamandes de Belgique. Celui-ci est un programme de coopération universitaire institutionnelle avec l’Université de Kisangani et composé de trois projets sur dix ans (2010 – 2020) : agriculture durable, biodiversité et renforcement des capacités institutionnelles.

Par Jean Fundi Kiparamoto

 

 

Date de dernière mise à jour : jeudi, 18 janvier 2024