Le littoral du fleuve Congo en danger. Il est permis de se demander si la lutte contre les changements climatiques prend en compte tous les facteurs de la déforestation. Attaché de recherche au CSB (Centre de Surveillance de la Biodiversité), master professionnel en aménagement de forêt et gestion de terroir et enseignant à la Faculté des Sciences de l’Université de Kisangani, Reddy Shutsha Ehata estime qu’il reste à faire sur les berges des cours d’eaux en territoire d’Isangi. A la hauteur du gué principal à Yanonge, l’érosion est en train de s’élargir vers la terre ferme et le long de la berge du fleuve. Pareil le long de la rive gauche aux environs immédiats de Yangambi. Pour l’attaché de recherche, il n’y a pas de doute. Les habitants installés au bord des cours d’eau coupent les arbres, ce qui provoque l’érosion :
« Les berges des cours d’eau sont interdites d’exploitation même si l’on y trouve des grandes essences forestières. L’absence des arbres augmente la température ambiante. Ce qui fait fuir les êtres vivants dans l’eau.»
Pour autant qu’il se rappelle, en 21 ans d’expérience comme forestier, le reboisement se limite aux zones agricoles. Les berges sont laissées pour compte. Paolo Cerutti, directeur des FORETS 1 et 2 (Formation, Recherche et Environnement dans la Tshopo), fait observer que, faute de routes, le fleuve Congo reste la principale voie d’accès, comme une sorte d’autoroute. A mesure que se détériorent les routes d’intérêt national et provincial, de Kisangani à Banalia vers le nord, Isangi vers l’ouest, une bonne partie de 200 milles habitants du paysage de Yangambi s’agglutinent au bord des cours d’eau qui entourent et traversent le paysage.
Bois de chauffe, charbon de bois, agriculture sur brûlis. A qui la faute ? Un chercheur de l’Université de Kisangani qui a requis l’anonymat croît avoir observé un phénomène pareil :
« A travers des couloirs bien entretenus, des exploitants locaux acheminent le bois par charrettes ou par vélos au bord des rivières. De là, les pirogues acheminent la marchandise à Kisangani en remontant le fleuve Congo. »
Malgré la présence de l’INERA, l’agriculture itinérante sur brûlis se fait discrète à Yangambi et alentours immédiats. Par contre, le déboisement pour des raisons carbonisation s’accroît au loin de la part des paysans, pour la plupart des jeunes désœuvrés, certains devant nourrir leur famille, d’autres payer les études. Ajouté à cela, l’abattage des bêtes et l’exploitation artisanale du bois, à la fois frauduleuse et aux allures industrielles.
Alphonse Maindo, président de Tropenbos RDC, et Paolo Cerutti, chef de programme CIFOR en RDC, sont unanimes. Bien que leurs organisations s’engagent à refreiner la déforestation, il ne leurs appartient pas de faire le travail de l’Etat congolais. Selon Maindo, l’Etat a une part de responsabilité parce qu’il n’y a pas assez d’investissements dans les énergies renouvelables.
« Vous ne pouvez pas chasser l’obscurité d’une pièce. Il faut simplement introduire une lampe, la lumière et l’obscurité partira. Alors, si l’on veut que l’activité de carbonisation puisse diminuer ou puisse disparaître, il faut introduire des alternatives en termes d’accès à l’énergie. Si on introduit le gaz pour cuisson ou autre, etc. pour la lumière et tout ça et si on introduit l’hydroélectricité, tous ces problèmes-là seront résolus. »
En attendant, Maindo note quand même que de plus en plus de ménages sont en train d’utiliser l’énergie solaire pour recharger leur batterie, regarder la télé et pour avoir la lumière. Il espère aussi que l’usage du gaz naturel dans les provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu serve d’exemple dans la province de la Tshopo.
Education environnementale. Les discours interminables de la société civile montrent des limites. Le paysage de Yangambi continue à perdre la forêt. Cependant, quelque chose bouge déjà avec l’arrivé en août 2022 d’un programme de promotion de l’enseignement environnemental dans les écoles du primaire et du secondaire. Le Carrefour des enseignants du Bassin du Congo regroupe des enseignants de toutes branches confondues, physique, géographie histoire, français, civisme pour la cause. Pour le reste, la sensibilisation est toujours destinée aux grandes personnes. Tout compte fait, La question environnementale à l’école, mais ça reste embryonnaire, vraiment loin de l’exemple tanzanien où il existe un programme national d’éducation environnemental dans les écoles. Lors de l’atelier d’août 2022, les participants, constitués de directeurs et enseignements du primaire et secondaire, avaient recommandé des stratégies en rapport avec l’enseignement des changements climatiques et la protection des forêts tropicales, notamment :
« La recherche des branches de cours où on peut intégrer l’aspect environnemental ; l’utilisation des supports en couleur, dont la Bande Dessinée, des affiches, dépliants, vidéos ; dans le cadre du cours de travail manuel, l’initiation des écoliers à planter, entretenir et protéger les arbres en milieux scolaires ; élaborer un programme en rapport avec la protection des forêts, c’est-à-dire le rôle des arbres, les conséquences du déboisement et ses remèdes... »
Depuis 2014, le professeur Norbert Ngoyi Mwepu de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education s’affaire à promouvoir l’éducation environnementale dans l’enseignement primaire et secondaire. Dans le cadre de l’IRECA/PEE (Innovations et Réformes Educatives au Congo et en Afrique/Programme de l’Education de l’Environnement/Ecologie), il organise des conférences axées sur la didactique et les sciences de la nature.
« Vu les maux qui rongent la nature, l’initiation à la protection de la nature ne suffit pas. Il faut aussi la contribution des écoles primaire et secondaire. Or, le programme national d’enseignement ne développe que l’esprit d’observation. Ce qui ne nous permet pas de résoudre de façon efficace les maux qui rongent la nature. »
L’engagement citoyen contre toute politisation, c’est ce à quoi devait aboutir la démarche de la Société civile. Ce n’est malheureusement pas beaucoup le cas. On l’a vu avec la tenue de la PréCOP27 à Yangambi en septembre 2022. Des jeunes instrumentalisés à la négation ont failli tout stopper là même où une usine d’électricité est en création et où près de 2 milles autochtones ont trouvé de l’emploi grâce aux organisations environnementales.