« Ça tournera à la biomasse du bois d’acacias, découpé, broyé, tamis, séché à nouveau et stockés dans des racks, assure Alain Gueriau. Avec une capacité de broyage d’à peu près 10 stères de bois d’acacias, soit 10 m3 par jour, on peut obtenir 200 m3 de biomasse. »
C’est le moins qu’Alain puisse souhaiter à une cité qui manquait de tout. Il a travaillé sur une usine hydroélectrique de 27 mégawatts à Madagascar. Comme dans les villages de là bas, il s’imagine bénéfice que ça donnerait aux écoles, hôpitaux et tout ce qui va avec, comme par exemple, aux enfants qui font beaucoup de devoirs le soir au lieu d’avoir la bougie sans compter d’énormes avantages économiques et ruraux.
Une autre trouvaille expérimentée par Principe, c’est l’association de l’arbre à chenilles à plusieurs autres, à 17 km au nord de Yangambi. L’ancien verger de Ngazi mesure 56 ha. Il date des années trente. Deux événements ont précipité sa déchéance : l’indépendance de la RDC en 1960 et les conflits armés des années 90. Les paysans en ont profité d’une manière que déplore Guy Venant, chef de l’antenne horticole de l’INERA.
« L’association talis-arbres fruitiers est une première expérience jamais réalisée ici. Les gros arbres que vous voyez là, ce sont les vestiges de ce verger. Il y a eu un laisser-aller pendant la guerre. L’espace a été transformé en champs de cultures sur brûlis. »
Depuis avril 2021, Principe et Guy Venant travaillent sur un hectare à planter côte à côte ou séparément des arbres fruitiers, arbres à chenilles et des Afromosia en expérimentant la méthode scientifique dite de Nelder. Principe et son associé expliquent qu’il va s’en suivre une étude du sol pour s’assurer d’un bon reboisement. Avant l’indépendance, les fruits du verger était vendus à Yangambi et à Kisangani. A l’époque, la cité de Yangambi comptaient quatre cents expatriés pour la plupart des cadres et travailleurs de l’INEAC. Les populations autochtones étaient constituées de travailleurs recrutés dans toute la colonie et qui vivaient dans des camps. On peut aussi voir aujourd’hui ces camps, délabrés et rafistolés par la descendance.
Les agriculteurs ont aussi droit à des plantules de safoutiers et arbres à chenilles. Le safoutier (RDC) ou prunier (Cameroun) ou encore atangatier (Gabon), sont prisés comme sources de protéines et de revenus. Dites mbinjo en langue locale, les chenilles sont largement consommée par les populations de la forêt du bassin du Congo en général et de la province de la Tshopo en particulier. L’arbre à chenilles est aussi connu pour ses planches en bois de qualité. La cueillette des chenilles mobilisent des familles entières à la campagne. Dans les villages, les élèves sèchent les cours pour cette raison.
Que ce soit pour les plantations que pour les autres activités, l’approche reste d’y aller aussi bien par des expérimentations, l’observation, les consultations que par l’appel à l’expertise extérieure. Il s’agit pour le responsable du projet de s’assurer une réussite dans la durée. Paolo Cerutti croît n’aboutir à rien sans le très long terme :
« Pas de solution durable sans engagement sur le long terme, estime Paolo. On aboutit à rien si le modèle, le test n’est pas fait et refait et répété, on apprend des erreurs, on recommence sur au moins 10, 15, 20 ans. Ça n’arrivera jamais que ce que vous faites à Yangambi peut être copié-collé à Yanonge ou à Bengamisa. Ça doit toujours avoir cet effort d’adaptation locale. »
CIFOR fait partie des organisations environnementales qui font en sorte que, d’ici vingt ans, l’INERA soit capable de nourrir la RDC grâce aux recherches agronomiques et forestières. Certes depuis longtemps, l’institut fournit déjà, aux particuliers comme aux organisations environnementales, de la semence améliorée de cacao, riz Nerica, manioc, café. Il s’agit cependant pour CIFOR de travailler à produire des plantules de qualité égale avec la structure des coûts que cela implique. Depuis bientôt cinq ans, le père combonien italien Vittorio Farronato dirige la paroisse Sacré Cœur de Jésus de Yanonge. Il témoigne de l’arrivée des organisations environnementales à l’époque :
« Disons que Yanonge était uniquement un lieu de passage. Nous avons eu plus tard le passage de CIFOR. Et moi, j’ai dit pardon, je suis le curé. Dans la bible, il est écrit que ce n’est pas par hasard que vous êtes passés par ici. Ce sont les paroles d’Abraham aux trois visiteurs. Donc ils sont restés pour nous écouter un peu. Ils ont fini par décider de créer une base de travail à Yanonge. Après, CIFOR a fait beaucoup de pépinières. »
Les initiatives des cinq dernières années sont aussi une occasion d’échange d’expériences. L’exemple significatif remonte en 2020, lorsque FORETS, inspiré par Enabel à Yanonge, avait soutenu et formé des pisciculteurs en 2020. CIFOR n’avait pas tardé à offrir des alevins aux piscicultrices de Yanonge au départ soutenues par la Coopération Technique Belge. L’adhésion à l’agro foresterie et la pisciculture à Yanonge est passé de huit femmes en 2017 à trente femmes en 2022. Inversement, Principe se rappelle avoir discuté avec la Coopération Technique Belge sur la production de miel. Paolo se dit ne pas être la bonne personne pour juger si le vase clos avait prévalu avant son arrivée. Il affirme cependant avoir discuté avec d’autres projets opérant dans le paysage de Yangambi.
« On s’assoit avec les organisations pour éviter la redondance. Le manque de synergie peut avoir un impact négatif sur les mêmes populations ou sur l’environnement où ils travaillent tous. Les discussions sont bien avancées avec les organisations locales qui travaillent dans la REDD. »