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RDC. Campagne électorale. Fayulu : double record, dans le temps et dans l’espace.
Dès la veille et le petit matin du 8 décembre 2018, les mototaxis font la ronde des grandes artères pour annoncer l’arrivée du numéro qui s’affiche sur les doigts d’une main sans le pouce. Tous les régimes mis ensemble depuis l’indépendance, certains vieux Boyomais ne se rappellent guère avoir vu une masse pareille répondre volontairement à un meeting de campagne. Un témoin parle de double record comparé à ceux, également non égalés de Beni et Butembo en Province du Nord-Kivu, à l’est, et celui de Bunia en Province de l’Ituri, au nord-est de la RDC.
Jean Fundi Kiparamoto - journalkaribu@gmail.com /+243 851 641 833 (Mobile et WhatsApp) / +243 827 048 699 Facebook : Jean Fundi Kiparamoto
« Il vient d’atterrir à l’aéroport de Bangboka », m’annonce à 14h41 l’envoyée du Journal Karibu. C’est un cortège piétons-mototaxis-véhicules d’environ une dizaine de kilomètres qui s’avancent presque religieusement vers le centre-ville. En décapotable tout le long des 17 km, Martin Fayulu ne fait que balayer les mains en signe de salutation. Des cris fusent : « Boboyaki Bemba, boboyaki Katumbi. Bomeka na Fayulu te noki ‘te tobomana ! Violences esili ! Policier, salaire emati ! Dollar ekiti ! Mosala emonani ! » (En lingala « Vous avez invalidé Bemba et écarté Katumbi. Cette fois, faites gaffe ! Avec Fayulu, finies les violences, salaire décent pour le policier, dollar à la baisse, à bas le chômage !). « Dans l’euphorie totale, pas facile de réussir se photos » se désole un des journalistes « complètement dépassés ». « Une dynamique sortie de nulle part » pour plébisciter celui dont elle dit « Il est déjà élu président, les élections ne sont que simples formalités » sans conditions à en croire une présence discrète des drapeaux des partis alliés à la coalition Lamuka. A pas de tortue, direction, Place de la Grande Poste.
Il est 15 heures sur la Place de la Grande Poste, six kilomètres plus loin, d’où une centaine de jeunes impatients se résout de rallier le cortège de Mafa (diminutif de Martin Fayulu) sur la route de l’aéroport de Bangboka. Pendant ce temps, une ambiance vadrouille dans les parages. Une centaine de jeunes moitié vêtue, moitié torse nue déferle du Rond-point du Canon sur le Boulevard du 30 juin en brandissant un poster de Fayulu grandeur nature fixé dans un cadre en bois de 2 sur 2 mètres. Poster sur lequel il est inscrit « Investir dans le citoyen pour développer la RDC ». Direction Place de la Grande Poste où un autre poster du genre mentionne « Pour un Congo digne et prospère ».
D’autres encore à motos en plein gaz font la ronde alentour et dans les communes avoisinantes, mobilisant davantage du monde et criant à tue-tête : « Papa yooo ! » (Cri des tous petits pour se réjouir de l’arrivée à la maison). À défaut d’affiches, des brindilles nouées sous forme d’un grand 4 font l’affaire. Direction finale, Place de la Grande Poste.
Lorsque deux heures et demies plus tard, le cortège avec son monde arrive à la Place de la Grande Poste au rythme de « Tokovoter lisusu d’Alesh et Balumuna de Pasnas », des volontaires avaient fini de fixer les affiches tout alentour, à rajuster le podium en bois de fortune. Dès le matin, ils se sont ainsi affairés à qui mieux mieux pour mobiliser d’autres gens, photocopier les affiches, installer la sonorisation…
Lors de l’exécution de l’hymne nationale, la foule lève les 4 doigts en l’air avant de poursuivre sur en chœur improvisé : « Moïse, yebisa Fayulu : Abanga eloko te, tokovoter ye na nko », en lingala « Moïse, rassure Fayulu que nous voterons pour lui par défi ». Fayulu s’avance sur le podium de fortune, salut la foule et prend la parole : « Je suis comblé de joie d’apprendre que, de vous-mêmes, vous avez téléchargé mes photos de l’Internet pour confectionner des affiches… » (Applaudissements). Il poursuit son discours. La sonorisation faisant défaut, il n’est entendu que 30 mètres alentours. « Je n’entends rien du tout », soliloque un jeune homme. « De l’avoir vu me suffit. Je n’ai pas besoin de discours », renchérit une jeune fille. « Moi non plus », reprend le jeune homme. Je quitte les lieux sans entendre personne se plaindre.
Date de dernière mise à jour : dimanche, 12 avril 2020