Journée scientifique. Pour une contribution à l’émergence du tourisme congolais

Img 20190713 journee_scientifique_ecoshtour_service_kasweraPenser l’avenir du tourisme, partant celui des diplômés du secteur, c’est la pensée qui s’est profilée lors des discussions à l’occasion de la journée scientifique organisée par l’ECOSHOUR (École Supérieur de l’Hôtellerie et Tourisme) de l’Université de Kisangani, le 13 juillet 2019 au hangar du Camping-Labo en construction dans la cour même de l’école. Au menu, trois exposés sur le tourisme, l’hôtellerie et l’aviation devant un auditoire constitué autant de professeurs et chef des travaux que de partenaires de l’ECOSHTOUR, de journalistes et d'étudiants eux-mêmes. Le programme avait prévu: trois exposés, un défilé, un karaoké, une présentation gastronomique, un cocktail, la visite des stands, des libres contacts et des entretiens avec la presse.

« Par delà les aspects protocolaires et plus que d’une formation appréciée de beaucoup, s’était interrogé Jean Fundi Kiparamoto, Rédacteur du site internet Journal Karibu, invité à la journée, c’est de l’avenir même des diplômés en Hôtellerie et en tourisme qu’il s’agit ». Surtout dans une RDC où « toutes les solutions avaient déjà été envisagées sans succès », avait renchérit la Professeure Consolate Kaswera Kyamakya, Directrice de l’ECOSHTOUR. L’assistance réagissait ainsi au premier thème « Contribution du tourisme à l’émergence de la RD Congo à l’horizon 2030 : mythe ou réalité ? » exposé  par le Professeur Jean-Paul Ramazani Bin Rabisa, Directeur Général de l’ONT (Office National du Tourisme). Dans un pays « à hauts risques, s’est-il inquiété, et où l’instabilité politique permanent, constitue un frein à l’émergence touristique».

Difficile dans ces conditions que viennent touristes et d’investisseurs étrangers  ainsi que  parents d’outremer. Eric Abanati Gbadi, Chef des travaux en Relations Img 20190713 journee_scientifique_ecoshtour_unikis_kaswerainternationales à la FSSAP (Faculté des Sciences Sociales, Administratives et Politiques) de l’Université de Kisangani, a estimé que « l’émergence du tourisme congolais à l’horizon 2030 ne puisse équivaloir à ce que l’on dit en kiswahili shamba ya vidole (une utopie) devant l’absence des produits touristiques ». Pour lui, l’Etat aurait dû valoriser son potentiel touristique pour donner du travail à l’expertise locale ne laissant la charge qu’aux privés. Par exemple en instituant en sites touristiques les lieux de supplice de Simon Kimbangu et Patrice Lumumba.

Img 20190713 journee_scientifique_ecoshtour_etudiantes_unikis_kasweraJean Fundi Kiparamoto, Rédacteur en chef du site internet Journal Karibu a renchéri avec l’exemple de l’Université de Kisangani qui, à part quelques assistants, « est incapable d’engager ses propres diplômés huit ans après la création de l’école ». « Les diplômés d’écoles d’hôtellerie et tourisme ne représentent que 5% du personnel de l’ONT», a reconnu le professeur Bin Rabisa. Ce qui contraste avec les partenaires privés de l’ECOSHTOUR à propos de qui la Directrice a dit : « Grand merci à la Société Congo Store, Ethiopian Airlines, Maison OVI, Maison Onga, CAR (Centre d’Accueil Ruwenzori), GHT (Guest House Le Triangle), la Brasimba et le Centre Monseigneur Grison pour avoir toujours accueilli nos stagiaires en leurs services ». On pouvait pourtant espérer avec « la loi portant organisation du tourisme », a rappelé Louis-Marie Musau Bakajika, professeur des sciences politiques à la FSSAP, mais, « jamais appliquée », a-t-il regretté. Pour lui, l’ONT reste tout de même la preuve de cette politique. Ce qu’une jeune licenciée en tourisme avait contredit : « Il n’y a pas du tout de politique touristique en RDC ».

En effet, depuis bientôt vingt ans, la RDC connaît des conflits interethniques sanglants et l’activisme des milices armées. Ces conflits surviennent de façon presque permanente dans les régions et les endroits à vocation touristiques : dans les provinces de l’Ituri où se trouve le Mont Bleu et le lac Albert aux voisinages desquels opèrent des milices tribales ; dans les voisinages des monts Nyiragongo et Virunga abritant les parcs de même nom où l’on trouve les gorilles de montagne. D’autres groupes armés se sont carrément installés dans les parcs de Maiko en province du Maniema, de Virunga et de Salonga sans compter ceux qui troublent la création du nouveau parc de la Lomami, à Lowa en territoire d’Ubundu, en amont du fleuve Congo, au sud de Kisangani.

Or, comme à l’époque coloniale, avant 1960, et de la République du Zaïre jusqu’au début des années quatre-vingt dix, la RDC aurait dû tirer l’essentiel de ses revenus Img 20190713 journee_scientifique_ecoshtour_karaoketouristiques de ces endroits-là. Là même où ces groupes armés se battent contre les forces armées dans le but de les empêcher la restauration de l’autorité de l’Etat et de perpétuer leurs activités de braconnage. Tout compte fait, braconniers, miliciens congolais comme étrangers font la loi dans presque tous les parcs nationaux.

Des centaines d’éléphants sont abattus pour leurs ivoires à destination de l’Asie, des pangolins capturés pour les supposées vertus magiques de leurs écailles. Sans oublier le massacre des léopards pour leurs peaux destinées à l’ornement ou à la mode vestimentaire. Dans le parc de la Salonga, dans le Haut Uélé, les rhinocéros blancs n’existent plus suite au braconnage impuni. Et dans la RFO (Réserve à Faune à Okapi), au nord-est de Kisangani, la dernière tentative de domestiquer les Okapi, l’espèce unique dans le monde, s’est soldée par un échec sanglant suite à l’attaque par des groupes armés.

Img 20190713 journee_scientifique_ecoshtour_service_kasweraPar contre, « l’hôtellerie s’est beaucoup développée », a constaté Mashiny Mamu, Chef des travaux en Hôtellerie. Presque vingt ans de prolifération de l’industrie hôtelière sans essor touristique. Là non plus la situation n’est pas reluisante. Selon Mashiny, la plupart des hôtels ne savent pas organiser le service d’accueil selon les standards internationaux. « Plutôt que de se tenir à droite du client, par exemple, la servante se met à sa gauche », avait-il ironisé. Pire, les hôtels peinent à fidéliser les clients oubliant que « le service commence par l’accueil et se termine par l’addition, entre les deux, des étapes à franchir soigneusement pour la satisfaction du client », a-t-il fait remarquer.

Certes, des efforts sont conjugués pour la relève du secteur, mais sans grands résultats. Si les hôtels et les services touristiques se sont accrus ces vingt dernières années, il faut avouer que son personnel reste en grande partie constitué d’amateurs. Ainsi, l’ECOSHTOUR compte-t-elle « apporter sa part à l’émergence du tourisme en larguant, comme depuis huit ans, des dizaines de diplômés en tourisme et hôtellerie », a rappelé la Directrice. Il faut, en revanche, envisager la restauration de l’autorité de l’Etat à l’échelle nationale, le recyclage du personnel amateur et le recrutement des diplômés en tourisme et hôtellerie. « Et surtout, en commençant par le changement de mentalité », avait recommandé le professeur Bin Rabisa.

Jean Fundi Kiparamoto, +243 851 641 833

 

Date de dernière mise à jour : vendredi, 26 juillet 2019