Paul Lolenga - Informaticien, électricien au centre Simama

Kisangani: Paul Lolenga, handicapé et informaticien apprécié

(Syfia Kisangani/Médias pour la paix et la démocratie) Marié et père de quatre enfants, Paul s’est forgé ces dernières années à Kisangani une réputation en maintenance informatique, après des études d’électricité réussies. Chaque jour, grâce à son travail de formateur et de responsable, il démontre que le handicap n'est pas une fatalité.

paul-lolenga-centre-simama-kisangani.jpgTrois étagères, chargées d’ordinateurs, d’unités centrales, d’écrans de téléviseurs... Bienvenue à Kisangani, dans le bureau de Paul Lolenga, 42 ans. Marié et père de quatre enfants, ce bel homme de petite taille se déplace en accrochant avec ses mains robustes une jambe à sa canne apprivoisée depuis l’enfance. Suivi de quelques clients, il s'assoit à la table encombrée de matériels informatiques.

Paul dirige les services de réparation, d’Internet et de bureautique du Centre Simama (pour la rééducation des personnes vivant avec handicap). "Le matin, nous identifions les pannes et recevons les clients. L’après-midi et des fois la nuit, c’est la réparation", révèle-t-il, tout en blaguant avec un valide qui vient d'entrer. A son contact, les stagiaires apprennent, comme en témoigne Augustin Kanda, 56 ans : "Je travaille avec lui depuis 2006. Je ne l’ai jamais vu se fâcher, même si tu comprends mal ses enseignements." Paul compte cinq collaborateurs dont un valide et deux femmes.

 Nombreux préjugés, aucune rancune

Une reconnaissance, après son parcours du combattant… En 1983, il arrive 1er à un test d’admission en 3ème électricité dans un Institut. N’eût été un père religieux, le préfet lui aurait refusé l’admission au motif qu’il ne saurait monter en hauteur pour faire des installations électriques. En 1987, il obtient son diplôme d’Etat. Il est ensuite 1er à un test d’embauche d’électricien dans une société de textile, mais il se voit refuser le contrat pour la même raison. Il s’en ira, inconsolable, malgré les 100 $ et les deux ballots de pagnes remis pour lui faire oublier sa peine. "Ce jour-là, mon père et moi avons été très tristes. Je n’ai  pas pu manger de la journée", confie-t-il.

Paul se ressaisit rapidement et se remet à fond dans la réparation électronique avec l’aide du Centre Simama et de l’association Fraternité chrétienne pour les personnes vivant avec handicap. Il a, en plus, une autre corde à son arc, maîtrisant le fonctionnement technique d’une chaîne de radio diffusion. Il assurera ainsi la maintenance de la Radio Télévision Amani (RTA) pendant environ 10 ans.

Son passage de l’électronique à l’informatique se fait en 2000 au hasard de la réparation de trois écrans d’ordinateurs que des pères du Sacré Cœur de Jésus sont sur le point de mettre de côté. Désireux de se perfectionner, Paul propose de sacrifier son salaire pour apprendre la maintenance. En 2006, le Centre Simama obtient pour lui une bourse de l’ambassade canadienne pour trois ans d’études informatiques à Kinshasa. Depuis son retour chez lui à Kisangani, il dit ne garder aucune rancune contre "ceux qui l'ont pris pour un électricien incapable."

Formateur modèle

Paul Lolenga préfère regarder devant lui et se concentrer sur ses activités actuelles. Derrière l’informaticien, se cache aujourd'hui un formateur et un dirigeant qui ne cherche pas à concentrer tous les pouvoirs. "Il m’a confié les finances, la réception et le cybercafé, par souci de transparence", témoigne Roger Mbula. Une approche et des compétences largement appréciées. Des prêtres et des cadres de services de l’Etat viennent ici se familiariser à l’informatique. En 2010, trois travailleurs l’Office congolais de contrôle (OCC) ont par exemple appris à bien utiliser un clavier. "Je ne savais pas grand-chose. Aujourd’hui, en plus d’être administratif, je répare les ordinateurs ", témoigne un de ces apprenants, Bernard Ngabo.

Certains clients reprochent cependant à Paul de réparer lentement ou comprennent difficilement les prix qu'il leur demande. "Les pièces de rechange sont difficiles à trouver", répond-il. Même s'il rencontre encore des difficultés au quotidien, Paul a dépassé étonnamment le complexe qu'ont beaucoup d'autres handicapés physiques. Pour Jean-Marie Moma, administrateur gestionnaire du Centre Simama, il est donc un modèle par excellence. "Toutefois, je le trouve trop généreux pour connaître ses vrais amis ", avertit Jean-Marie.

Jean Fundi Kiparamoto

 

Date de dernière mise à jour : vendredi, 02 juillet 2021